Denise Le Dantec – ô saisons – Editions des instants, 2021

Denise Le Dantec aime les inventaires, les fleurs, les aphorismes, les citations et la philosophie… Tout cela rehaussé d’un brin de cocasserie à la Lewis Carroll. En ce jardin poétique surgissent parfois quelques présences ou images incongrues qui tintent le recueil d’une pointe d’ironie ou d’autodérision. Ainsi la profondeur aime parfois à s’allier à la légèreté pour faire contre-champ… Dans un foisonnement de métaphores telles des plantes luxuriantes, se trouve célébré les cycles de la vie et de la nature… A cet égard une phrase nous paraît emblématique du recueil : « Tu as vu souffler une rose : j’ai aimé que tu essaies de dire dans l’inachevé.  » Les mots suivent le rythme de maturation d’un fruit mûr tombant de sa branche. Ils tombent comme « les pêches dans le verger » et ainsi se promène « dans la syntaxe des mots » et du monde. La page elle-même devient floraison.

Entre rêve et réalité, tout un univers onirique se déploie également proche de l’univers surréaliste parfois, où on se laisse gagner par ce qui surgit d’inattendu et qui semble nous ramener au temps de l’enfance et de ses comptines. Le burlesque est cette voie d’accès à cet incessant mystère qui laisse toujours un reste à créer ou à dire…. De la même façon l’énumération des choses vues ou rencontrées se trouve toujours décalée par un élément déplacé ou imprévu qui ouvre à cette dimension autre de l’invention : « Encore une passerose sur les cailloux. /Des choses roulantes. Des lettres prismatiques. / Des trouées de voyelles dans la futaie. Le grain du souffle qui dit. Ne dit pas. »

Fleurs et mots se mêlent en permanence en une sorte de couronne où s’entremêlent souvenirs, questionnements et rêves : « Cérémonie des voyelles et des coquelicots. Printemps enflammé/Lambeaux d’histoire battante aux portes de la ville. / ---Est-ce la mort le problème ?  » De ces incessantes épiphanies survient une sorte de gai non savoir aux saveurs parfois presque paradisiaques, un florilège déroutant qui vient miner nos certitudes dans un espace à la fois ouvert et aérien. De sorte que ces texte réunis méritent pleinement ce terme de recueil où il s’agit à la fois de réunir, d’accueillir mais aussi de la plus délicate des façons de célébrer chaque graine, semaison et promesse de mots…

Extraits

La pluie tombe entre les lilas et les fleurs blanches.
Bercements flottés. Extases au sol.
Senteur de giroflées. Clip d’oiseau.
Le contrat lyrique est signe

*

J’apporte une lampe
Une voix mystérieuse chante
Le ciel est un grand trou rempli d’étoiles
Mon oreille, minérale
Le miroir, amnésique

Je cherche un mot

*

Le paradis lointain
Le jardin de la Mémoire
Le diagramme de Vems
La grande Diagonale
La Poétique du débordement
Le titre et le soutien des fleurs
La traversée du temps

*

Il y a des cercles de cristaux concassés – des solitudes.
Deux, trois signes dans l’air, qui tourbillonnent,
Puis reviennent à leurs ombres.
-Les jointures des membres.
Un fourmillement d’insectes – tout un tremblement


Véronique Elfakir - Revue Terre à ciel 


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