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 Steve Wilfrid Mounguengui– L’énigme des ruines – La Kainfristanaise – 2021

Comme le poète chinois en son ermitage, Steve Wilfrid Mouguengui, a séjourné quelques temps dans une cabane en Ariège, laissant ainsi lentement ressurgir une lenteur contemplative propice à l’écriture. Comme il nous l’explique en préambule, le texte est né de sa sidération devant les ruines pierreuses qui façonnent ce paysage ariégeois. En cette vie frugale se redécouvre l’essence même des chose : « une envie de lumière,/comme une envie de pain », une aube enchantée par des odeurs de thym, de romarin, la menthe, le citron, une sieste sur l’herbe, le murmure d’un ruisseau… Parfois surgit un poème et « au milieu de la page » se pose « un fleuve qui coule jusqu’aux rives du ciel et tisse un pont entre tristesse et joie ». Peu à peu ces ruines balayées par le vent deviennent la métaphore du pays perdu de l’enfance et son vieux village interdit, où rôdaient des fantômes à l’ombre des manguiers. 
Quand chaque seconde devient « une éternité », une offrande à l’ombre et la lumière, les ruines deviennent alors « poussière d’éternité » où « le sel des jours s’évapore à la lisière du songe ».

La beauté devient ainsi « le nom secret du monde » et le sacré ne se révèle nulle part ailleurs que « dans les êtres et les choses », en cette existence épurée de tout vain besoin, la nature se parcourt « comme un livre ». La cabane devient alors un « cloitre de brume » où le « silence est un orage » : « Des pans de brume traversent comme des navires/les poèmes que j’écris/La fenêtre découpe le paysage et le feu brûle dans/un murmure/Assis à ma table/Je démêle les années/les jours/les heures et/l’éternité. » Symbole du passage et de l’écroulement du temps, ces amas de cailloux deviennent la métaphore pierreuse de la course du temps où l’essentiel « devient mirage ». La marche scande également le recueil, traçant parfois un pont entre deux continents, entre le passé et le présent car « rester sans ailleurs c’est déjà mourir. »Les poèmes naissent alors « du vertige des saisons » et donnent « une rivière à nos blessures ». La vie devient un voyage où il ne s’agirait que de chercher « les racines de la lumière », de s’interroger sur le sens de l’existence quand il ne suffit que d’un chemin « pour retrouver les parages de l’enfance ». Ce lumineux recueil se termine sur cette interrogation : « crois-tu que l’écriture puisse être une patrie. » Nul doute que l’écriture ici devient un vaste pays où voyager, rêver aimer, se souvenir, méditer, marcher. Un territoire toujours à conquérir de pierres et de vent à l’image de nos pas et de nos vies incertaines.

Extrait 

J’écume la lumière pour n’en garder que la fleur
L’ombre
La nuit la marée des jours se retire
Au milieu du silence il n’y a plus que moi
L’énigme de la vie est phare dans le lointain
Faut-il toujours gravir la montagne de l’âme ?
J’essaie encore de comprendre pourquoi le silence
Crie comme une cigale

J’écume l’ombre pour n’en garder que la fleur
La lumière
J’ai apprivoisé l’aube avec une tisane de thym de 
Menthe et de romarin
Quand la nuit se retire les chiens de l’autre rivage
Se taisent
Les hurlements s’évaporent dans les horizons de
Cendre

J’écume le ciel
Et les orages pour n’en garder que la fleur
Toi
Toi seule me donnes la main sur la route où je
Dévale dans ce rêve qui me déserte.

Revue Terre à ciel

 Dernier numéro de la revue Terre à ciel

Stève Wilifrid Mouguengui – Cahiers d’adieu à la mélancolie – La Kainfristanaise, 2024
Œuvres picturales de Prajna Yun
Le très beau liminaire qui ouvre le recueil nous emporte d’emblée sur le fleuve lumineux de l’enfance, ailleurs, plus loin que jamais, là où surgissent « le fantôme des voix anciennes et des lieux dont quelques lambeaux errent encore dans nos territoires intérieurs ». L’écriture, « ce vol d’oiseaux » par-dessus la canopée vibrante permet à la fois de susciter et ressusciter les ombres absentes mais aussi d’aller à la rencontre de soi : « Écrire, c’est aller, pas à pas, vers d’autres saisons sur les traces de l’homme que l’on ne cesse de devenir. » Ainsi ces cahiers cousus au fil du temps et de la marche n’ont pas pour vocation d’être un remède à la mélancolie qui nous constitue mais « de puiser en elle la lumière qui éclaire le poème ou, ce qui revient au même, la vie. » Une façon « d’entrer pieds nus dans la parole, d’incendier la nuit du monde ou de raviver les lucioles. »
Sur les rives de cette mélancolie qui nous habite, l’existence devient « une longue traversée » ou « Nous n’avons su être autre chose que des nomades ». La mémoire devient alors « un long fleuve qui se tord et qui chante », où les palmiers dansent sous l’orage. Les mots tour à tour deviennent espace, envol ou territoire à parcourir : « Les mots qu’il suffit de déplier pour respirer la terre, des mots-odeurs, des mots-ciels, des mots-migrants » mais aussi parfois maison ou refuge sur les chemins de l’exil : « Je pars. Et je pars comme je suis. Avec mes racines ailleurs et mes feuillages ici. Les vents agitent les fleurs. Je pollinise. Chaque fleur est un nouveau monde. »
Quand rien ne prépare à l’infranchissable deuil et que reviennent images et voix comme un inlassable écho, il reste la marche pour sans cesse faire rejaillir l’étincelle de la vie : « Les fleurs de nos chemins composent des bouquets de lumière. /Ne jamais s’arrêter de marcher/Pousser la porte/Oser l’enfance pour renaître. » Au fil de ces pérégrinations surgit alors la douceur d’un apaisement possible où de seuil en seuils l’ombre devient soudain lumineuse, l’existence devient fulgurante météore où reste ce don brûlant d’avoir été aimé, où le désert devient « désir ardent ». A travers chaque signe tremblant revient une silhouette lancinante étendant son linge sur la corde, « Un enfant gai courait entre les draps qui battaient au vent. »
De ces mots qui viennent éclairer le pas surgit la pluie éclairant le poème pour traverser « les jours arides » : « Comme la flamme dans l’ombre/J’ai voulu semer des signes qui éclairent nos pas/Des récits murmurent sur le sable/Je suis le petit fils de la parole/Le déshérité qui marche sur une autre rive du monde/Me voilà nu tel qu’hier sous les averses/Les orages et les éclairs récoltés dans mon enfance/Traversent la nuit de mon poème. » Quand la mémoire est « un ciel déchiré/où naviguent des pirogues fantômes », rien cependant ne peut venir achever le poème qui se confond avec la trajectoire de chaque moment tout entier ouvert à l’altérite et au devenir frémissant de cette aventure d’être en vie. Tout comme chaque lieu parcouru devient ce livre ouvert où renouer le fil distendu de nos racines « Je voudrais, pour finir, un poème qui soit une prière aux lieux, une chanson, un cantique. »
C’est en définitive à travers l’horizon maritime que se crée une sorte d’appartenance tissée de petites joies aussi belles que fragiles : « Ce qu’il y a de bonheur tient dans un coin de terre. Une touffe d’herbe. Un paysage. Là, au cœur des paysages, je suis devenu veilleur de beauté. Ce temps d’émerveillement antérieur à l’expérience du langage. Ce temps où l’on ne sait ni dire ni décrire ce dont les sens s’émerveillent déjà ». Soudain alors revient l’enfance retrouvée avec le goût de l’amour où Il ne reste plus pieds nus comme dans une eau lustrale « qu’à rentrer dans la parole ».
Extraits
Les signes
Stèles qui tremblent au milieu du désert
J’écris
J’écris depuis toujours
Sans abris sans demeure sans terre
écriture nomade
signes migrants
Tu te dévoues depuis ce temps-là
A recoudre la lumière
Ne t’en fais pas
Le linceul de ta mère est un poème
Recueillir le jour dans tes mains
Cette lueur perlée entre tes doigts
Ta seule prière en attendant la nuit

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