Nour Cadour –Larmes de lune – L’Appeau’Strophe – 2022
Dans ce recueil, Nour Cadour tresse le rêve et l’imaginaire pour faire rempart à la barbarie. Surgissent alors des odeurs de jasmin et de safran quand « le figuier chante ses fleurs/sous le gong d’un printemps lisse ». Tout semble prendre origine dans un départ « sous l’orage déchiré par les bombes », « là où le cri du grenadier résonne avec le néant », « là où l’existence s’efface/sous le frémissement de la chair meurtrie. » Il s’agit alors pour ne pas sombrer de s’accrocher à quelques lignes, à quelques lettres : « Et les doigts transformés en rose de Damas/Je sculpterai des mots qui désamorceront l’avidité des conquêtes. »
A l’horreur s’oppose alors la sensualité, « ces pistaches émiettés sur les lèvres, cardamome poudrée sur les joues corolle, la saveur du pain chaud ». Tous ces souvenirs ressuscitent un passé chavirant que l’on devine d’enfance. Par la métamorphose du verbe salvateur, il s’agit alors de « récupérer dans la paume des larmes de lune coulant sur les genoux des rosiers » pour que refleurisse la rose de Damas saccagée. La parole devient ainsi « archipel de soie » et refuge. Comme une ritournelle les images et sensations ressurgissent sous les décombres. Ainsi la blessure du grand départ « jamais refermée », « l’amour du ciel d’Orient », l’exil au goût amer où subsiste toujours la mémoire de la terre « pour râper son plafond de soie dorée/le tissu pleurant rose ». Pour arrimer quelques fragments d’espoir et de renaissance, il reste le chemin scintillant des mots dont ce texte déchirant quelques fragments de beauté sauvés de l’oubli et la perte.
Extraits
Marche utopiste
Nous voguons vers une terre
Où le figuier chante ses fleurs
Sous le gong d’un printemps lisse.
Nous voguons vers une terre
Où les vers sont mis dans des rimes de bois.
A l’ombre d’une brise de mer.
Nous voguons vers une terre
Où la soie s’étend pour recouvrir les trottoirs
Où des lunes de jasmin et de safran
Chanteront avec le prélude de l’égarement d’un arbre
Où des tendres poèmes épongent
Nos yeux d’espoir avec la symphonie d’un soleil.
Que la voix de ce pays monte à mes genoux
Comme un vent lassé
De la brutalité des hommes,
Que le drapeau de ce pays flotte à l’épaule d’un soir d’été
Le long de l’azur
De nos corps emmitouflés.
Sois songe pour habiter un département
Rire pour s’égarer dans l’une de ses rues.
Nous voguons vers une terre où,
Nos rêves bleutés
S’égouttent peu à peu
Comme les étoiles du plafond du ciel.
Recette de renaissance
Tresser le vent
Dans une brise d’été,
Pétrir la nuit
Sous les doigts de la lune,
Peigner l’aurore
Dans les reflets de la mer,
Étirer l’amour
Sous les champs de rose,
Retrousser la lumière
Dans les terres ensanglantées,
Draper les cœurs
Sous l’écorce des étoiles,
Lécher les couleurs du miel
Pour en faire des fleuves,
Lancer les nuages
Pour faire détoner la sève,
Attraper un printemps brisé
Débris de pays comme plaie
Pour faire exploser
La beauté de la vie.
Véronique Elfakir - Revue Terre à ciel
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