Roselyne Sibille – Une prairie de poèmes – éd. L’Ail des ours n° 3 – collection Grand ours, 2020

Il y a toutes ces splendeurs terrestres que célèbre ce recueil de Roselyne Sibille en une éclatante « prairie de poèmes  ». Chaque mot s’ouvre ainsi comme un bouton d’or « granulé de lumière ». Car en définitive le seul vrai poème n’est peut-être que celui de la terre, de cette nature qui s’offre à nos regards dans la simple évidence de la beauté. 
Chaque brin d’herbe écrit ainsi sa partition muette dans le grand livre du monde, aucune parole ne pouvant toutefois s’égaler à cette grâce d’une tige violette ondoyant dans le vent : «  Pour les raconter/il me faudrait inventer un autre alphabet  ». A l’image du vol d’un oiseau dessinant dans le ciel une indéchiffrable phrase qui ne se laisse que contempler. Ainsi le poète s’efface devant la création dont il n’est que le simple scribe ou le témoin ravi : «  Chaque brin écrit dans la brise /son poème de lumière » L’aile ondoyante d’un papillon ou le vol d’un oiseau décrivent à leur façon les incessantes métamorphoses de la vie dont le poème tente de se faire l’écho dans un style épuré et limpide. Tout ceci forme la trame du texte dont l’unique visée est de nous faire entendre « ces langages multiples  » dont nous ne sommes que des prête voix dans la rigueur d’une quête infinie à la fois humble et patiente. Ainsi selon Roselyne Sibille aucun langage ne saurait s’égaler à la magnificence de l’arbre, le souffle du vent sur une vague, « cet instant turquoise  », le chant de l’océan, les sonnailles d’un troupeau. Il s’agirait alors de « dénouer les mots de leur sens  » pour les laisser glisser vers ces quelques reflets sur l’eau ou les abandonner entres quelques « galets mouillés par la mer » pour rejoindre ainsi « l’ombre des cils de l’enfant  » et l’évidente simplicité de la vie.

Extrait :

« Les boutons d’or
Granulé de lumière`
Saupoudré sur le vert

L’ombre de leurs tiges
Violette presque

Pour les raconter
Il me faudrait inventer
Un autre alphabet »

« Combien d’épaisseurs de silence
Me faudra-t-il ôter
Pour entendre
Les langages multiples

Trouverai-je en moi assez de temps
De patience
D’humilité
De transparence
De défaites et de ruines apaisées
Pour que la vie me bondisse au cœur »

Véronique Elfakir - Revue Terre à ciel


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