Marilyse Leroux – Nés arbres – L’ail des ours n°1, collection Grand ours, 2019

Marilyse Leroux déploie dans ce recueil la complainte bucolique de l’arbre en un chant à la fois subtil et délicat. A la lisère du jardin, ces branchages éclairés comme des mains d’amour ont la saveur de la racine première, celle de l’enfance irremplaçable. L’ombre tutélaire de l’arbre est cette couronne de lumière qui ouvre au monde. A travers le frémissement des feuilles se dessine ce goût d’une origine où s’enraciner entre « ombre et lumières accordées » : « Pour aller où ? / Si c’est l’ombre que tu cherches/interroge la lumière/si c’est la lumière/interroge les deux. » Tels des signes jalonnant la route, chacun d’entre eux « déroule une longue phrase à relier d’un pas. » Les fleurs de cerisiers déversent une giboulée de neige florale à « émietter le ciel ». Survient alors le souvenir de ce chêne où se loger toute entière, dans la chaleur d’une écorce creuse » : « une vie dans une vie  ». L’espace champêtre devient alors la métaphore d’un arbre de vie intérieur à retrouver à chaque efflorescence de désir : « Nous ne sommes pas séparés/les feuillages nous rappellent/le rythme d’autres chants/la joie amoureuse/qui s’empare des branches/lorsque le jour soulève la terre. » Ainsi visible et invisible se rejoignent, entre clarté et ombre et en définitive s’unissent pour que « la pensée devienne lumière/sans autre certitude/que ses épaules sous la voûte/ne rien implorer/ni dessus ni dessous/juste se placer au point exact/de la trouée/Dans la solitude du parfait abandon/on peut alors rêver/d’une couronne sans paroles/ou mieux d’une parole/sans couronne. » L’image de l’arbre en son appui tutélaire devient alors le symbole de ce chemin de vie riche en ses moissons de sèves, de feuilles et de floraison poétique

Extrait :

« Les arbres me font signe
Par-dessus les talus
Les murets de pierre

Marquent la halte
Au bord de la route

Chacun déroule
Une longue phrase
A relier d’un pas. »

« Je guette l’éclat
Qui retournera ma fenêtre
L’avancée de quelque signe
Qui parlera pour moi

Un pan de ciel
Me sera donné
Que je n’ai pas cherché

Pour l’instant
Le chêne dilue ses couleurs
Sans plus de bruit. »

 

Véronique Elfakir - Revue Terre à ciel 



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