Zéno Bianu et Odradeck – Cantiques des cantiques : songes de Léonard Cohen – Editions l’Improbable

Dans ce recueil accompagné d’un CD, Zéno Bianu et Odradeck ont adapté quelques textes de Léonard Cohen écrits en marge du «  Cantique des cantiques » dans les années 60. Comme un « psaume sans âge », ces poèmes peuvent se lire comme une invocation à Salomon et à l’amour où Léonard Cohen semble mêler toutes les voix du monde en une sorte de Babel poétique. Ainsi, un seul et même chant semble parcourir les siècles et retentir dans ce tissage des langues où s’écrit la poésie de Léonard Cohen. Ce texte envoutant et incantatoire presque incandescent est magnifiquement porté par cette mise en voix et en musique. Le poète/chanteur réécrit son propre cantique du désir comme une pulsation qui semble surgir du cœur même de l’univers à la façon d’une éternelle première fois, d’une incessante redécouverte : «  Et l’amour tourne à jamais me souffle le Cantique. » De cette parole qui comme « un vin précieux » réveille « les endormis » surgit ce mystère de la vie et de la création où s’origine ce désir d’écriture porté par tous les « mots du monde » : « Sulamite/je t’aime/à travers tous les mots du monde/Sulamite ». Au cœur même de la douleur, en cet entrecroisement perpétuel de la vie et de la mort surgit la grâce d’une parole ressuscitant l’ardeur de dire et d’aimer que porte le poème, à la façon d’une rose sans pourquoi et sans explications nous ouvrant aux mystères de l’être : « passion/de la parole vive/ultime refuge de l’être/rédemptions du duende/lentes pulsations/d’une vie pour de vrai/ma disgrâce et ma grâce/


« Et je te lis
Salomon
Depuis des millions d’années
    La poésie c’est la réalité
La poésie c’est la réalité
Je l’éprouve dans chaque plissement de mon corps
Dans chaque repli de mon cœur
Dans les replis ensanglantés de mon esprit
Aux confins du sens et du non-sens
Avec toi
Je me tuerais
    And it’s almost like salvation
Pour trouver le mot juste
Le mot contenant tous les mots
Le sésame
A même de tout révéler
    And it’s almost like salvation
Je te lis et je n’ai plus peur
D’être rien
Je te lis et je scintille
Dans le frémissement de l’instant
Je suis
Un homme-question
Je suis
    Le berger des roses

Véronique Elfakir - Revue Terre à ciel

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