Laetitia Gaudefroy Colombot – Lance et La musique du vent – Editions des Lisières – 2019 et 2024
Les recueils de Laetitia Gaudefroy sont une ode à la nature aux odeurs de garrigue et de thym… Sous la blancheur des amandiers en fleurs se déploie une sorte d’envolée sereine et majestueuse comme un éventail déployé reflétant quelques paysages peints. Il s’agit alors de « s’enmontagner/s’engarriguer/s’enmaquiser/s’encolliner/s’enforester/s’ensauvagir » comme pour mieux retrouver la part la plus essentielle de nous-mêmes. Loin de toute trace de technicité dévastatrice, dans le silence et la simplicité : « pas de route de train de bus d’avion/de gare de changement de métro de goudron de/béton de panneaux bandes blanches/sens interdit enbouteillages voie sans/issue interdit embouteillage voie sans / issue pierres couleuvres sauterelles / lézardes fauvettes hirondelles sauterelles / lézardes fauvettes hirondelles limaces/fourmis abeilles ». Dans le plus infime insecte contemplé réside sans doute la clé de nos délivrances comme un retour à la source même de nos émotions : « fuir l’homme/les ruisseaux asséchés/rejoindre la source/parler à la montagne/au plantain au chardon (…) ». La poétesse aime à énumérer plantes et herbes comme un chaudron magique où il conviendrait de retrouver la vertu des simples et de « distiller l’essentielle » : « herbes aux anges/coiffe des poétesses/genévrier connu des temps nomades/mets des papillons de nuit/un nuage s’accroche à la colline/humer l’air/glaner baies graines ombelles ». Quand l’envol des oiseaux nous rappelle à nos rêves, comparativement l’homme se sent en cage : « au pays des oiseaux/s’engager pour les rêves/loin de la surface/sur la cime des chênes/tutoyer les étoiles ». Dans La musique du vent, elle nous rappelle que le calme nous invite à nous saisir de l’instant . Sous la clarté de l’aube, il convient alors de devenir jardin : « pas à pas/dans l’herbe/graminées/ombelles/épillets/ne rien oublier. » Mais pour retrouver cette lumière fondatrice il convient d’accepter « de rester sauvage », de fuir la saturation d’ondes et de connexions inutiles, toutes ces « bourrasque d’égo », « artifices du trop » et de sortir s’échapper « retrouver l’aphyllante/l’angélique/l’hellébore/prendre l’air/folle avoine ». Dans des effluves d’herbes coupées, pieds nus sur la terre simplement et lentement contempler quelques corolles fragiles, le passage des sauterelles, l’ombre du saule et ainsi s’éloigner du fracas du monde. Alors peu à peu ce vide naissant laisse place à l’imaginaire, à une création généreuse qui se fait don aussi gracieuse et intense qu’un souvenir d’enfance « ta création est ton empreinte/retenir/garder/précieux grains de poussière/particules/échantillons de don/traces d’espoir. »
Extraits
« Ramasser une pierre continent
sur l’épine du mont
voir des têtes d’arbres
dans le ciel saphir
avancer
noir humus
prendre un peu de bruine
les feuilles safranées
accompagnent tes pas
silencieuse sereine
s’éloigner du monde »« Feuille de pierre
livre de peau
intrigue d’herbes folles
empreinte de terre
mémoire du temps
révérence à l’ancien
espoir en la sève »« Prêle sculpurale
Rose pois de senteur
Ramasser les pierres bleues
Faire des ricochets sous la cascadeSe remplir d’enfance »