Marc-Henri Arfeux – Raga d’Irisation - Editions Alcyone, 2023

La première page du recueil s’ouvre sur l’espace clos d’une chambre, lieu d’un voyage imaginaire qui se transforme en barque, couloir d’initiation, île, envolée d’oiseaux migrateurs, au gré de la narration. Peu à peu se dessine les contours d’une sorte d’ascèse ou d’ascension où il s’agit d’atteindre la lumière pour devenir ce « grain de transparence entre les lames du temps »
Seule une lampe semble alors veiller sur l’instant immobile et « évasif » évoqué en de délicates images flottantes comme des nuages où « tout se rassemblerait en s’ouvrant ». Ainsi la chambre loin d’être fermeture devient le lieu de tous les possibles et de toutes les métamorphoses comme ce « danseur enlacé à l’éclair ». Une élévation se dessine progressivement, la nuit devient alors « une rose nouée de vide » et le monde « un collier de larmes et de beauté ». L’abandon à la vacuité devient accueil et ouverture. 
A la lueur d’une bougie ressurgissent parfois quelques souvenirs. Ainsi cette évocation du « jeune homme au cœur de saule » ou de ce parfum aux odeurs d’enfances « d’un très ancien coffret de cire contenant deuil, naissance et papillon ». Parfois survient un éveil au « centre de l’unique » tissant « le papillon que tu dois suivre/Il n’y a que cela ». Il s’agit alors de « traverser les fenêtres » pour mieux retrouver ce goût de l’amour en des nuits d’insomnie traversées de quelques étoiles où « des portes tournent et se souviennent »
Loin de la vanité du savoir et de l’égo se dessine un chemin d’évanescence où « d’un souffle vertical s’unit tout le pollen/ En invisible/De cet amour donné qui ne possède aucun contour/Et ressemble à la neige ». Le silence devient alors « rosace » et la solitude se transmue en universelle communion avec ce chant de l’être où palpite toutes « les ombres lumineuses »« l’irisation d’un visage ». La chambre s’unit alors aux couleurs du jour. L’aube se lève comme une incantation ou ce mantra « près du cœur » du « coffret secret d’un mot. » Le moi ainsi dissous devient la buée d’un rêve, un jardin d’apesanteur, un rouleau d’or. L’univers tourne alors comme une danse d’atomes au creux de la main ouverte au don de l’infime splendeur du « bleu parfait d’après-midi »
Ce voyage intérieur finit par transcender les murs de la maison comme pour mieux s’évader le temps d’un poème vers cet ailleurs « ajoutant un pétale/A la beauté du temps. » Nul enfermement ici, les « objets sont des portes »« le thé de l’âme infuse le temps » mais parfois surgissent quelques fantômes, « cendre et lueur alliant/le tremblement du cœur », des robes se reflètent dans des miroirs, le souvenir d’autres vies peut être enfouies « dans des boîtes de cèdre » où l’encens de la voix seule et les larmes de l’amour « sont un oiseau nomade » : « Et toi, dans la maison du souffle/ Et du regard ouvert, /Tu es jasmin d’apesanteur/souriant au chagrin. » Sur les vitres pâles s’inscrit alors un reflet où le sujet s’abolit en transparence de buée « sur la fumée d’une heure »
Dans ces altitudes, ne reste plus que la « pureté de l’air » ou le soupir d’une rose dans l’écheveau du temps. La blancheur de la neige recouvrant de son manteau toutes les blessures du temps : « fumée, cristal et fil/reliant l’âme/à son jardin lunaire/naissant sur le plein ciel. » La maison devient alors « visage dénoué », « portes ouvertes/à la lisière de la forêt ». Le sujet ainsi délivré arrive pour finir à consentir à sa propre absence et se dissout aux quatre vents de la poussière dorée de « la substance délivrée » comme la poudre multicolore des ailes d’un papillon. Il devient aussi cette « offrande indéfinie de pauvreté première/où se lit un visage » comme si la vie n’était que cette espérance de regard porté par cette écriture subtile qui nous transperce de ses éclats d’irisation.

Extraits

« Une feuille rend à la terre
L’inscription de son être
Etoilé de silence
Parmi les talismans.

Le gris est lampe,
A l’unisson du cœur,
Et la rue fine s’étire selon son chat,
Très vide et pure,
Ainsi que le regard
Qui la suit sans bouger
Aux vitres blanches

Où mon aura n’est qu’un reflet. »

« Mon amour est sans nom,
Mon amour est le nom
Qu’appelle,
Sans fin le dédale de la beauté,
La solitude.
Mon amour est la poudre aux lèvres de ce chant,
Le charbon du regard sur l’incolore de l’avant jour,
Le papillon de la promesse brûlant neige du haut azur,
Les larmes d’un matin délivrant la blessure de son désert de linges.
Mon Amour est distance, célébration de vent effaçant les empreintes
Jusqu’au jardin de l’arc-en-ciel.
Où je
Ne suis. »

« Danse enlacée de l’air,
Echarpe d’altitude
Montant par le respir du vide.

Anapurna est ton bonheur,
Sourire de neige ultraviolette
Irisant l’invisible. »

« Le coffret d’un mot seul
Près du cœur,
Tu es l’arc épousé
Des quatre seuils ouverts,

Abolition dans l’accompli. 

Véronique Elfakir- Revue Terre à ciel

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