Wallada, poétesse insoumise

La princesse Wallada, née à Cordou en 994 est la dernière fille d’un khalife Omeyyade. Sa mère était probablement, une esclave d’origine grecque. Suite à l’assassinat de son père, elle hérite de sa fortune et organise de somptueux salons littéraires.
A la fois belle, cultivée et libre, elle décide alors de s’affranchir des carcans de l’époque. Elle délaisse alors le voile et porte les vêtements transparents des femmes de harem. Elle pousse l’audace jusqu’à faire broder en fil d’or sur la manche droite de ses robes cette inscription : « par Dieu, je suis qualifiée pour les hautes positions, et j’avance fièrement dans mon chemin » et sur la manche gauche, « je permets à mon amant de caresser ma joue et j’offre mon baiser à celui qui le désire. » En son palais, elle prend part également à de nombreuses joutes poétiques sans aucune censure quant à l’expression de ses sentiments et de ses désirs. C’est à cette occasion qu’elle rencontre le poète Ibn Zaydoun dont elle s’éprend et à qui elle adresse des poèmes enflammés :

« Sois prêt pour ma visite à l’obscurité,
Parce que la nuit est la merveilleuse
Gardienne des secrets.
Si le soleil sentait l’étendue de mon amour 
Pour toi,
Il ne brillerait plus,
Et les étoiles s’éteindraient d’émoi »

Une dispute probablement due à la jalousie met fin à cette idylle et Ibn Zaydoun continuera à écrire à son amour perdu jusqu’à la fin de sa vie sans pouvoir la revoir toutefois. Elle prend alors pour amant, un vizir et plus tard s’éprend d’une femme dont elle fait l’éducation et qui deviendra à son tour poétesse. Car son salon devient alors une école pour femmes de toutes conditions. Elle y enseigne à la fois la poésie mais aussi l’art de l’amour et ses raffinements jusqu’à l’âge vénérable de cent ans….
Dans la plus pure tradition arabo-andalouse, ces poèmes célèbrent le bien-aimé, l’ivresse de la sensualité à l’image de ces quelques rares textes incandescents qui ont pu nous parvenir :

Regrets

Lorsqu’en hiver nous nous
Rendions visite, les braises du
Désir me brûlaient la nuit
Durant
Comment se fait-il que
J’en sois venue à être séparée
De lui, c’est bien le Destin qui
Précipita ce que je voulais éviter.
Les nuits passent sans que je vois
L’éloignement prendre fin,
Sans que je vois la patience m’affranchir
De la servitude du désir.
Que Dieu arrose une terre devenue
Désormais ta demeure, en
Déversant une pluie abondante
Et ininterrompue. »

 

Les Adieux

Une amoureuse a perdu patience
Et te fit ses adieux pour avoir
Ebruité un secret, à toi, confié. 
Elle regrette de n’être pas restée
A tes côtés plus longtemps, 
Maintenant qu’elle te reconduit
Pour faire ses adieux. 
O toi le jumeau de la pleine lune
Pour l’élévation et l’éclat, 
Que Dieu préserve l’instant qui
Te fit naître. 
Si après ton départ, mes nuits
Sont devenues longues
Que de fois ne me suis-je plainte
De leur brièveté en ta compagnie. »


Véronique Elfakir - Revue Terre à ciel

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